mardi 27 mai 2014

Journée nationale de la Résistance

Journée Nationale de la Résistance

La commémoration, le 27 mai, de la création du Conseil National de la Résistance est désormais inscrite dans la loi parmi les commémorations officielles en « Journée Nationale de la Résistance ».

Il aura fallu plus d’un quart de siècle de mobilisation autour de cette revendication de l’ANACR pour la voir enfin aboutir dans un temps où les derniers acteurs témoins de la Résistance se font plus rares.

Reconnaissance aussi tardive que symbolique, ce geste de la République vis-à-vis des citoyens combattants de la Résistance offre aujourd’hui l’opportunité de rafraichir la mémoire et de faire réviser quelques leçons d’histoire à un peuple qui vient de faire montre ces derniers jours de l’oubli de ses pires moments.
71 ans ont passé…

Le 27mai 1943 le processus d’unification des mouvements de Résistance conduit au terme du travail patient et déterminé de Jean MOULIN produisait son effet. L’établissement du Conseil National de la Résistance installait la Résistance dans le cercle des forces de la Libération et de la reconquête de la démocratie, rendant à la France sa dignité et son rang aux côtés des Alliés dont elle a bousculé le projet.

La célébration du 27 mai ne se cantonne pas à la commémoration de ce premier pas d’importance dans la perspective de victoire ; elle doit aussi faire référence au programme écrit dans l’ombre et la fureur des combats du printemps 1943 au printemps 1944. La teneur des deux grands volets de ce programme mérite d’être rappelée pour bien faire mesurer l’ambition courageuse de ses initiateurs.

Dans son premier volet traitant du plan d’action immédiate, c’est une nouvelle option stratégique qui se dessine dans la lutte contre l’occupant et la collaboration pétainiste, adoptant un caractère plus offensif et appelant les alliés à intensifier et à accélérer leur action pour accompagner l’insurrection nationale dans les combats libérateurs. C’est aussi la préfiguration de l’après qui conduit à préparer, sous la responsabilité des organisations constituant le CNR les Comités de Libération dans les villes, les villages et les entreprises pour encadrer la reconquête de la démocratie et en garantir l’unité d’action. L’objectif principal est bien d’accélérer la Libération tout en préservant des vies et des richesses dont le pays aura tant besoin pour se reconstruire.

Dans son second volet portant sur les mesures à appliquer à la libération du territoire c’est le formidable catalogue des composants indispensables à le construction d’une démocratie républicaine qu’il faut revisiter ; le retour au suffrage universel, la liberté de pensée, de conscience et d’expression, la liberté d’association, de réunion ou de manifestation, l’égalité des citoyens devant la loi forment parmi d’autres principes le cadre des réformes programmées dans les domaines économiques et sociaux.

Sur le plan économique, l’éradication des grandes féodalités économiques et financières et une planification encadrée par l’Etat garantit la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général. La nationalisation des grands moyens de production, des richesses du sous-sol, des grandes compagnies d’assurance ou bancaires s’accompagne de l’exercice d’un droit d’accès des travailleurs à la direction de l’économie.

Sur le plan social, le réajustement salarial vise à garantir sécurité, dignité et qualité de la vie aux travailleurs. La réouverture du droit à l’exercice d’un syndicalisme indépendant élargissant le champ d’action des travailleurs dans les entreprises rompt avec la vision caporaliste des corporations pétainistes. Mais le plus ambitieux restera certainement le plan de sécurité sociale et de retraite ainsi que la préfiguration du Plan Langevin Wallon pour une éducation et un accès à la culture plus développés pour tous, garantissant l’accès aux plus hautes fonctions sans discrimination de fortune ou d’origine. La France agricole martyrisée par la première guerre mondiale n’était pas en reste avec des dispositif garantissant un travail plus rémunérateur et moins soumis aux aléas, des droits pour les salariés de l’agriculture alignés sur ceux des ouvriers de l’industrie sans oublier le statut du fermage et du métayage préservant les exploitants de l’arbitraire des propriétaires terriens.

Ce programme, sans engager directement le processus, ouvre la voie de la décolonisation avec la reconnaissance des droits politiques, sociaux et économiques aux populations indigènes et coloniales.

Le programme du CNR établissait ainsi les fondements d’une nouvelle République dont les institutions démocratiques et populaires rompaient avec le régime de l’Etat Français fossoyeur des libertés.

La commémoration d’aujourd’hui illustre aussi le fait que rien n’est jamais acquis. Sous tous les régimes qui se sont succédés au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle les options généreuses du programme du CNR ont été travesties ou remises en cause, et singulièrement toutes celles qui bénéficiaient aux plus grand nombre et aux plus fragiles ; quand des avancées démocratiques, économiques ou sociales sont gagnées au bénéfice de l’intérêt général et du plus grand nombre, elles ne le sont jamais que contre les intérêts particuliers des puissants rompus à l’exercice du pouvoir et rétifs à rogner sur leurs privilèges.

Comment imaginer que ce qui était possible dans le champ de ruines de l’après-guerre ne le serait plus aujourd’hui dans un monde plus prospère et producteur de richesse ? Peut-être suffirait-il de ne pas considérer son accaparement inéluctable et la violence de la misère comme fatale.

La leçon des acteurs de la Résistance au CNR et dans son programme tient en un mot : la lutte.

Refusant de se soumettre à la fatalité de la défaite et de l’asservissement, c’est dans la lutte que se combat la résignation et que vit toujours l’esprit de Résistance.

Faudrait-il rappeler, après le résultat calamiteux de l’élection européenne en France pour toutes les forces politiques mises en défaut par une extrême droite arrogante et d’autant plus forte que l’abstention reste massive, que le 30 janvier 1933 Adolf Hitler avait été appelé au poste de chancelier par le président Hindenburg à la suite de multiples élections législatives faisant suite à de multiples dissolutions de l’assemblée parlementaire où les électeurs envoyaient de plus en plus de députés nazis.

Une crise économique majeure, doublée d’une crise politique et morale de la plus grande ampleur secouait l’Europe des années 30. L’incapacité des socio-démocrates, des centristes et de la droite allemande à la juguler et leur inquiétude face à la montée des communistes avait abouti à ce qu’ils se jettent dans la gueule du loup en offrant le pouvoir à Hitler.

Dans le même temps en France les ligues factieuses faisaient ressortir une extrême droite menaçante pour la démocratie. Croix de Feu, Action Française, jeunesses patriotes, fédérations des contribuables fédéraient toutes les rancœurs et les protestations… L'émeute du 6 février 1934 illustre le danger pour la République. Interdites en janvier 1936, dissoutes par le Front populaires elles reformeront dans les partis de droite et d’extrême droite la charpente de la collaboration de Pétain. Adeptes de la violence dans la rue et non et non des urnes, face au régime d’une 3ème République discréditée et incapable de faire face aux défis de la crise les ligues envient les deux modèles autoritaires qui s'offrent à nos frontières : le fascisme de Mussolini en Italie depuis octobre 22, le nazisme d’Hitler en Allemagne depuis janvier 33.

Jamais l’histoire ne se répète, mais elle bégaie parfois et l’éclat de la commémoration de la création du CNR aujourd’hui est terni sous la menace de l’orage qui s’est levé dimanche dernier.

Face à la résurgence des idéologies fascistes ou nazies, à la banalisation du racisme et de la xénophobie, à la complaisance vis-à-vis des champions de l’intolérance et de la discrimination sous toutes ses formes, l’appel à la vigilance qui conclut souvent les prises de parole de l’ANACR, ne suffit plus aujourd’hui. C’est bien de l’action et de l’engagement dans la lutte idéologique pour l’idéal républicain qui charpentait le programme du CNR que tous les démocrates doivent se projeter.

Les membres du CNR avaient donné pour titre à leur programme « Les jours heureux » !

Droit au travail et aux loisirs, sécurité sociale, retraites, salaires décents, éducation et culture, vie démocratique, tout ce qui fait une vie de liberté et d’égalité est aujourd’hui à reconquérir pour offrir à la prochaine génération « Les jours heureux » qu’elle mérite ! C’est aussi par la lutte d’aujourd’hui pour le même idéal de paix et de justice que passe le plus bel hommage aux Résistants d’hier.

Vive l’esprit de Résistance.

Le 27 mai 2014,  Daniel LEVIEUX
Président du Comité Local de l’ANACR Meillard-Le Montet


1 commentaire:

depoilenpolitique a dit…

Merci pour ce papier , permet moi de le reprendre, il est bon de ne pas oublier et mieux si l'on en a la volonté de tirer les leçons de l'histoire . Merci pour ton engagement , par les temps qui courent cela devient précieux

Amitiés